Dans la compétition Arnault-Pinault, le second est indiscutablement meilleur dès que l’on touche au patrimoine. Alors que la Fondation du premier — quelles que soient ses indéniables qualités architecturales — est venue s’implanter dans le bois de Boulogne grâce à un vote sur mesure du Parlement régularisant ce qui était auparavant interdit, alors que la Samaritaine est devenue la catastrophe patrimoniale que l’on connaît – et que la médiocrité architecturale du bâtiment de Sanaa va défigurer à jamais la Rue de Rivoli, François Pinault, beaucoup plus malin et respectueux, va installer comme à Venise sa propre Fondation dans un monument historique sans massacrer celui-ci, ce qui de nos jours ressemble à un exploit.

La Bourse du Commerce va donc se transformer et c’est l’architecte japonais Tadao Ando, avec l’architecte des monuments historiques Pierre-Antoine Gatier, qui est chargé du projet. Il installera, au cœur de ce bâtiment rond, une construction circulaire qui laissera voir à la fois la coupole et la grande frise peinte que l’on pourra approcher de plus près. Le tout se fera sans toucher à la structure du bâtiment, de manière réversible (une réversibilité relative cependant, on ne voit pas bien comment on pourrait un jour revenir en arrière) et en laissant visible à la fois la coupole et les peintures plafonnantes.

Certes, la découverte de ce grand espace, débarrassé des bureaux qui l’obstruaient et masquaient son décor et les murs, laissera un regret : que l’on n’ait pas utilisé ce lieu sans rien y construire, ce qui aurait été parfaitement possible, plus beau et certainement beaucoup moins cher. Mais faire travailler un «starchitecte» est désormais une constante de ces grands projets, et celui-ci aurait sans doute paru mesquin s’il s’était agi de seulement restaurer le monument. Au moins a-t-on choisi un excellent architecte et pas Dominique Perrault qui officie non loin sur la Poste du Louvre en dénaturant son architecture métallique. Ce qui sera exposé à la Bourse du Commerce sort de notre champ, mais la visite de ce monument sera intéressante pour le contenant autant que pour le contenu.

Didier Rykner
Rédacteur en chef de « La Tribune de l’Art »

Le musée Pinault coûte cher aux parisiens !

63 millions d’euros, c’est ce qu’a déboursé sans discuter la mairie de Paris pour le rachat à la CCI de la Bourse du Commerce, la Préfecture l’avait pourtant évaluée à 4,3 millions seulement. Les fondations d’Art de nos oligarques reposent sur des optimisations fiscales qui permettent d’en faire financer 80% par la collectivité, un déséquilibre qui finit par grever la communauté tout entière.

Christine Nedelec