Un projet du Ministère de la Culture prévoit qu’en 2022, le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (CNSAD), fondé en 1784, anciennement École Royale de Chant et de Déclamation, situé au 2 bis rue du Conservatoire dans le 9e, doit rejoindre la Comédie Française et le Théâtre de l’Odéon, déjà présents sur une partie du site des Ateliers Berthier porte de Clichy. Cette grande halle, classée en 1990, a été construite par Charles Garnier en 1895 pour y stocker les décors de l’Opéra. Elle servira aussi comme stockage et salle secondaire à la Comédie Française, au Théâtre de l’Odéon et au CNSAD. Ce sera la « Cité du Théâtre » qui fera écho à la Cité de la Musique, devenue Philharmonie de Paris, dans le 19e. Le coût de sa reconstruction est estimé à 150 millions d’euros.

Salle du 2 rue du Conservatoire, Paris 9e

Tout cela est positif et nous soutenons cette initiative, mais pour financer cette construction, un projet envisage la vente de tout le bâtiment de la rue du Conservatoire qui contient une superbe salle de 420 places, construite en 1811 par François-Joseph Delannoy, une des plus belles de Paris, classée et donc intouchable et surtout, indissociable du reste de l’immeuble ! Dans cette salle, le public parisien découvrit Beethoven ; Hector Berlioz y créa plusieurs de ses œuvres dont la Symphonie Fantastique et Harold en Italie, Chopin y joua son concerto en mi mineur, etc. Dans ses autres parties, la bâtisse possède des décors prestigieux, de la salle Louis-Jouvet au salon d’apparat, qui ont inspiré les plus grands. Selon les informations que nous avons obtenues auprès du CNSAD, ces salles seraient démontées et réinstallées dans la nouvelle Cité du Théâtre.

Salle du 2 rue du Conservatoire, Paris 9e

Le projet de vente inquiète beaucoup l’association « Rue du Conservatoire » qui réunit les élèves, anciens élèves et amis. Elle a écrit cette lettre à la ministre Françoise Nyssen :

Madame la Ministre,

La Cité du Théâtre doit voir le jour en 2022. Nous nous réjouissons que le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique puisse y trouver, en compagnonnage avec la Comédie Française et le Théâtre de l’Odéon, l’espace et la sécurité que sa vitalité, son ouverture aux grandes Ecoles d’Art Dramatique internationales et son excellence exigent. Dans les locaux actuels, seul le théâtre du Conservatoire (joyau acoustique conçu en 1811 par Joseph Delannoy) est heureusement classé comme Monument Historique, il ne peut être détruit et restera dédié au CNSAD.

Mais en contrepartie, le ministère de la Culture a décidé d’abandonner le reste du bâtiment et de le vendre, se séparant ainsi d’un patrimoine architectural et artistique exceptionnel. Voué depuis plusieurs siècles (1806) à la formation et aux créations des musiciens, compositeurs et acteurs, ce qui fut tout d’abord le Conservatoire de Musique et de Déclamation dispose toujours dans un état quasi intact, de son impressionnant vestibule, de son escalier d’honneur qui permet d’accéder d’un coté au salon d’apparat (ancien bureau du bibliothécaire Hector Berlioz) et de l’autre à l’ancienne bibliothèque renommée Salle Louis Jouvet, sa charpente, ses boiseries et ses poutrelles peintes en font un lieu unique et admirable. Mais pas seulement…

Les plus prestigieux compositeurs, musiciens, actrices, acteurs, metteurs en scène y ont travaillé, s’y sont accomplis et pratiqué leurs recherches au service de leur art. C’est dans cet endroit même que fut créée pour Sarah Bernhardt la première chaire de professeure d’art dramatique, que la Symphonie Fantastique fut jouée pour la première fois… Et la liste des actrices et acteurs qui s’y sont révélés et épanouis est trop impressionnante et trop longue pour être ici développée. Mais pas seulement…

La vocation culturelle est inscrite dans les fondations du bâtiment, reconstruit après la Révolution française sur ce qui était primitivement l’institution royale regroupant les écoles d’art et les troupes de musiciens et de comédiens, étonnamment nommé Hôtel des Menus Plaisirs.

C’est pour toutes ces raisons et d’autres encore, que nous vous prions, Madame la Ministre, de bien vouloir reconsidérer votre décision, de garder sous votre protection ce témoignage inestimable et de lui conserver sa vocation artistique originelle.”

Amen ! Nous soutenons cette association de tout cœur. En dehors de l’attachement sentimental, il est important que ce lieu reste un endroit pour le théâtre. Nous attendons la réponse de la ministre…

Jan Wyers