Le célèbre quartier du Nord- Est parisien, dont la maire de Paris fait une composante emblématique de la capitale en assurant sur France culture que « Paris, c’est la Goutte d’Or et le 16e arrondissement en même temps », a tenu l’exécutif national et municipal en haleine depuis l’hiver. La longue émission à laquelle Anne Hidalgo participait en studio le 28 juin dernier est intervenue comme en point d’orgue d’un semestre marqué par un regain d’attention politique et médiatique pour le quartier dont un habitant cité en titre du Télérama-Sortir de la même semaine proposait : « La Goutte d’Or, tu l’aimes ou tu la quittes ».

Au mot d’ordre bien connu, les héritiers de Boris Vian avaient proposé en mai une alternative qu’on pourrait résumer par quelque chose comme : La Goutte d’Or : tu l’aimes ou tu la quittes. Lorsque, dans les années 1990, la famille de l’écrivain et musicien acceptait que son nom soit donné à une nouvelle rue issue de la recomposition du quartier suite à la destruction évoquée par Violette Roland dans le n° 100 de notre bulletin, elle ne pensait pas devoir faire le siège de la mairie de Paris pour obtenir, à peine vingt ans plus tard, qu’elle soit simplement entretenue, entretien minimum qui doit s’être révélé inefficient puisque, devant la menace de la famille de « quitter la Goutte d’Or », c’est une requalification complète qui est désormais proposée pour un espace dont il fut reconnu par l’ancien maire d’arrondissement Daniel Vaillant lui-même qu’il avait «très mal vieilli».

Présentée au conseil municipal le 2 mai dernier, la décision de la Cohérie Boris Vian de retirer l’autorisation d’utiliser le nom de l’écrivain devant l’absence de toute action sérieuse de la municipalité a rencontré la mobilisation du quartier autour de deux pétitions qui semblent avoir, à leur tour, mobilisé la Mairie dans une action qui reste sous contrôle si l’on en croit les multiples campagnes qu’a connues le quartier récemment à l’initiative de ses habitants. Le slogan Tu l’aimes ou tu la quittes peut ainsi se décliner encore sous la forme : « Tu l’aimes et tu y fais venir les autorités », ce qu’ont fait avec succès les associations de quartier le 27 mars dernier, réunissant sur la place Polonceau les plus hauts représentants de la Mairie et de l’État, élus municipaux, maires et adjoints, députés, préfet, commissaire pour recevoir en mains propres les pétitions d’habitants et de commerçants qui les alertaient sur le climat d’impunité générale prévalant dans le quartier, évoquaient les « erreurs historiques faites dans l’aménagement et la gestion du quartier depuis l’opération de réhabilitation urbaine des années 1980» (cf. notre n° 100), et demandaient «une solution durable pour la sécurité et la salubrité du quartier Goutte d’Or/La Chapelle ».

Le mouvement créé autour de ces pétitions et de la vie associative très riche du quartier, qui les relaie depuis autour de son Vide Grenier, de son Cross, de ses Portes d’Or, de ses Gouttes d’Or de la mode et du design, de sa Goutte d’Or en fête, de ses artisans à l’honneur de la prochaine Paris Design Week, a peut-être inauguré, sans en prendre encore la totale mesure, une aire de dézonage. À en croire en effet plusieurs habitants et associations de quartier de la Goutte d’Or, qualifié de «zone urbaine sensible» en Politique de la ville depuis le début des années 1980, premier à avoir ensuite «bénéficié» (comme le propose Télérama) du statut de «zone de sécurité prioritaire» en septembre 2012, souffre d’un surcroit de priorités qui, mal gérées ou mal définies, l’enfonce et l’enferme dans un statut. Le journal associatif Le 18e du mois n’a-t-il pas paradoxalement titré, en mai dernier, sur les « quartiers maltraités » que sont, à ses yeux, la Goutte d’Or et la Chapelle (qui s’est vue récemment englobée dans les ‘bénéfices’ d’une zone de sécurité prioritaire élargie) ?

Loin de se résigner, les associations se mobilisent au contraire derrière le projet de requalification du secteur Boris Vian/ Arcades Goutte d’Or, devenu symbolique de l’engagement de la Ville à réparer les erreurs d’aménagement liées à un urbanisme et une architecture sciemment quand ce n’est volontairement mis à mal au nom des plafonds sociaux d’une politique du logement qui se révèle contre-productive de ce qu’elle souhaitait poursuivre.

Jan Wyers