Lors de notre AG du 5 avril 2018, nous avons eu le privilège d’écouter une conférence de deux représentantes de la direction des affaires culturelles de la ville de Paris : Mesdames Laurence Fouqueray (architecte voyer générale de la Ville de Paris et chef du Département des Édifices Cultuels et Historiques) et Véronique Milande, responsable du COARC (Conservation des Œuvres d’Art Religieuses et Civiles). Nos conférencières nous ont d’abord rappelé que la ville de Paris est propriétaire de 96 édifices religieux (dont 85 catholiques) 40 000 œuvres d’art, 130 orgues… Actuellement, 51 édifices sont classés monuments historiques et 11 édifices sont inscrits à l’inventaire des monuments historiques.

Souvenons-nous que fin 2013 – début 2014, la Maire de Paris, Madame Hidalgo, avait promis 80 millions d’euros pour la mandature de 6 ans, pour l’entretien des lieux de culte parisiens (outre un abondement de 11 millions d’euros à apporter par l’Etat) budget un peu en hausse par rapport au précédent budget.

Lors de la conférence, Madame Fouqueray a rappelé les 3 axes de la politique de la ville en matière d’entretien du patrimoine : sécuriser, sauvegarder et transmettre. Elle a également souligné 3 grandes contraintes freinant parfois l’action de la Ville : le code des marchés publics, les relations avec la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) et les 14 autres administrations qui peuvent autoriser – ou bloquer ! – les travaux, et enfin les risques techniques (plomb, amiante…) qui sont susceptibles également ralentir les chantiers. De toute évidence, les chantiers les plus urgents sont ceux qui concernent ce que nous pouvons appeler le clos et le couvert (façades et toitures des bâtiments).

De son côté, la COARC (Conservation des œuvres d’art religieuses et civiles) comme l’a rappelé Madame Milande, doit protéger 40 000 œuvres d’art et les restaurer. Rappelons que le patrimoine mobilier comprend les tableaux mais aussi les sculptures, l’orfèvrerie, les objets d’art… En revanche, sont considérés comme patrimoine immobilier les peintures murales ou fresques, les vitraux, les boiseries, les mosaïques, les statues… Enfin, le patrimoine artistique doit être inventorié, protégé, entretenu, restauré, valorisé.

Revenons à l’entretien même des lieux de culte, sujet que nous avons déjà évoqué plusieurs fois ces dernières années. Bien sûr, nous nous réjouissons des gros travaux entrepris ces 3 ou 4 dernières années, comme par exemple : à Notre-Dame-des-Victoires (2e) : la toiture ; à Saint-Paul-Saint-Louis (4e) : façade et toiture ; à Saint-Merry (4e) : la façade ; à Saint-Médard (5e) : toiture et façade sud ; à Saint-Germain-des-Prés (6e) : réfection du chœur (en partie par mécénat) ; à Saint-Augustin (8e) : façade (avec une petite aide du mécénat) ; à Sainte- Eugène-Sainte-Cécile (9e) : réfection de l’orgue ; à Saint-Germain de Charonne (20e): importante restructuration (8 M€). Actuellement, nous notons aussi l’avancement de certains chantiers : à Saint- Eustache (1er) : façade sud et chapelles ; à Sainte-Marie-Madeleine (8e) : façade est. Pour mémoire, nous pouvons noter les principaux travaux financés par le mécénat : à Saint-Gervais-Saint-Protais (4e) : la restauration des vitraux ; à Saint- Sulpice (6e) : la chapelle des Saints-Anges (trois fresques d’Eugène Delacroix dont la célèbre « Lutte de Jacob avec l’Ange ») ; à Saint-Augustin (8e) : la statue de Saint- Augustin en façade et le baldaquin derrière l’autel ; à Notre-Dame de Lorette (9e) : la chapelle des baptêmes. Il est donc difficile d’affirmer que rien ne se fait mais les besoins sont énormes. D’ailleurs, des tableaux établis par les services de la Ville montrent les réalisations faites, les chantiers en cours et ceux restant à lancer, alors que nous avons passé les 2/3 de la mandature… Parmi les chantiers à lancer prochainement, nous trouvons notamment : à Saint-Merry (4e) : la façade sud de l’église ; à Saint-Philippe du Roule (8e) : le toit (outre les verrières par mécénat) ; à la Sainte-Trinité (9e) : le massif d’entrée (travaux en cours de lancement).

D’autre part, nous savons que sur le budget de 80 millions d’euros promis, 20 millions sont affectés à l’entretien courant des lieux de culte, 20 millions environ ont permis de solder les travaux lancés avant 2014 et 40 millions sont réservés aux chantiers lancés depuis 2014. À ce jour, les 80 millions ne sont pas entièrement dépensés mais les 3/4 environ sont, soit dépensés, soit engagés comptablement (sachant qu’il peut y avoir près de deux ans — et parfois plus — entre l’engagement comptable et la dépense réelle !).

Or, si nous nous rappelons qu’une vingtaine d’édifices avaient été répertoriés comme devant être restaurés sous la mandature, on se demande quand et avec quel argent seront restaurés ceux dont les travaux ne sont pas commencés. Il est en effet inquiétant de constater qu’un certain nombre de consultations (de main d’œuvre et de travaux) ne sont pas terminées ou même lancées : cela concerne notamment : la Synagogue de la Victoire (2e); Saint-Nicolas- des-Champs (3e) : façades des chapelles sud de la nef ; Sainte-Croix-des-Arméniens (3e) : décors et parements internes ; Saint- Gervais-Saint-Protais (4e) : clocher et façade ; Saint-Louis en l’ile (4e) : façade et toiture ; Saint-Sulpice (6e) : chapelle du Sacré-Cœur ; Sainte-Marie-Madeleine (8e) : façade ; Notre-Dame de Lorette (9e) : stabilisation des maçonneries ; Saint-Vincent-de- Paul (10e) : toiture, façade et chapelle de la Vierge ; Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours (11e) : toiture ; Saint-Esprit (12e) : couverture, coupole, terrasses ; Sainte-Anne de la Butte-aux-Cailles (13e) : stabilisation pérenne ; Saint-Pierre de Montrouge (14e) : clocher et flèche; Saint-Jean de Montmartre (18e) : maçonneries.

Au-delà de cela, des cas préoccupants répertoriés par le Diocèse ou par des associations de défense du patrimoine ne sont même pas encore dans les projets de travaux de la mairie centrale : ainsi : Saint-Leu-Saint-Gilles (1er) : façade et chapelle Baltard ; Saint-Paul-Saint-Louis (4e) : chapelles ; Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux (4e) : façade ; Saint-Christophe de Javel (15e) : façade ; Saint-Pierre de Chaillot (16e) : façade ; Saint-Pierre de Montmartre (18e) : chapelles. N’oublions pas les problèmes de vitraux à Saint-Roch (1er) ; à Saint-Paul-Saint-Louis (4e)…

N’oublions pas non plus de nombreuses fresques et peintures murales très abimées notamment à : Saint-Germain-l’Auxerrois (1er) ; à Saint-Séverin (5e) ; à Sainte-Clotilde (7e) ; à Saint-Augustin (8e) ; à Saint-Philippe du Roule (8e) ; à Notre-Dame de Lorette (9e) ; à Saint-Ferdinand des Ternes (17e). Signalons aussi de nombreuses orgues à rénover dont celles de Saint-Germain l’Auxerrois (1er) ; Saint-Leu-Saint-Gilles (1er) ; Saint-Nicolas-des-Champs (3e) ; Saint-Merry(4e); Temple du Saint-Esprit (8e) ; Saint-Lambert de Vaugirard (15e) ; Saint-Bernard de La-Chapelle (18e).

Le budget de la mandature 2014-2020 étant presque entièrement consommé ou engagé, c’est bien dire qu’un budget de 80 millions pour 6 ans, soit 13,3 millions par an, aura été très insuffisant pour réaliser tous les travaux qui avaient été répertoriés comme urgents. Pour éviter d’avoir à trop repousser des travaux urgents, il est sûr qu’un budget de 30 à 40 millions par an serait plus adapté, soit 180 à 240 millions pour une mandature de 6 ans. C’est à ce prix que notre patrimoine cultuel remarquable (et très visité) pourrait être sauvé. Et cela ne représenterait pas plus que 0,6 % à 0,8 % du budget de la ville, à comparer par exemple au budget participatif de 100 millions d’euros par an (oui par an !) qui permet de financer parfois des travaux utiles mais qui a aussi un petit côté « pour faire plaisir aux parisiens » ! Comme l’a noté récemment l’OPR (Observatoire du Patrimoine Religieux) : «L’argent nécessaire aux restaurations des lieux de culte existe. Son utilisation est un choix politique ».

Nous savons aussi que l’Etat abonde un peu pour les monuments classés et que le mécénat intervient à la marge (intervention précieuse de la Fondation Avenir du Patrimoine à Paris par exemple à Saint- Merry, à Saint-Augustin et à Sainte-Marie- Madeleine ; interventions de la Sauvegarde de l’Art Français ou de la Fondation du Patrimoine, entités qui sont cependant plus actives en province qu’à Paris, essentielle- ment pour des problèmes de coût). Enfin, les recettes publicitaires (à Saint-Augustin, Saint-Eustache et Sainte-Marie-Madeleine) ne peuvent constituer qu’un appoint qui est réemployé sur place.

Alors que peut-on imaginer d’autre, à l’heure où la mairie de Paris ne nous a même pas dit comment elle prépare l’après-2020 ? Le loto en faveur du patrimoine ? Les projets à soutenir sont essentiellement en province. Un accroissement du mécénat ? Certains curés hésitent à faire appel à leurs fidèles qui paient déjà des impôts… De son côté, cependant, la ville de Paris elle-même, a créé un fonds de dotation pour recueillir des fonds privés. De nouveaux classements d’édifices qui obligent l’Etat à participer à la dépense ? Nous savons que d’ores et déjà, chaque année, 2 ou 3 lieux de culte supplémentaires sont classés.

Faudra-t-il éventuellement souhaiter des aménagements très ciblés de la Loi de 1905, puisque nous constatons malheureusement que les pouvoirs publics n’assument pas toutes leurs responsabilités ? Mais de quelle manière ? Il peut y avoir là un vrai débat !

Régis de Savignac