Impersonnels et insipides, les nouveaux kiosques à journaux sont en train d’être installés dans Paris. Fini la frise et le petit dôme en écailles de poisson, analogues aux colonnes Morris, aux abris de gardien et aux kiosques à musique dans les parcs et jardins, au fontaines Wallace, etc. Le mobilier urbain parisien dessiné au 19e siècle constituait un ensemble élégant et cohérent reconnaissable entre mille, “iconique“, pour utiliser un anglicisme. Connu à travers le monde, il a été photographié, peint, filmé, imité, reproduit à l’étranger, détourné… Nous y sommes attachés. Certains s’ingénient à le détruire. L’argument du confort ne tient pas. Il était tout à fait possible de dessiner un nouveau modèle, avec tout le confort et les fonctionnalités que vous voulez à l’intérieur, et qui reprenne les éléments décoratifs de l’ancien pour l’extérieur, ou qui en reprenne au moins le langage, qui s’en inspire. Il était même possible et souhaitable de revenir à la source et de repartir du design originel des kiosques d’antan, qui avaient encore plus de caractère, et de faire mieux que la copie un peu terne de JCDecaux que nous connaissions depuis les années 1980. Ce patrimoine modeste mais hyper visible, il fallait en être fier, le célébrer, le chérir, plutôt que d’en avoir honte et d’en faire table rase. SOS Paris et Juliette Larousse, une parisienne indépendante, se sont battus pour faire entendre raison à une mairie qui ne veut pas comprendre de quoi on parle et ne rêve que de design industriel. La pétition de Juliette avait récolté plus de 58 000 signatures (lien), ce qui est énorme pour un tel sujet, et avait eu un bel écho médiatique. Il faut croire que la « démocratie participative », ça ne fonctionne que quand la mairie le veut bien.

Comme par hasard, ces nouveaux kiosques comportent plus de panneaux publicitaires que les précédents sur les côtés et à l’arrière… Et ils sont aussi plus grands. Il y a une tendance lourde depuis quelques années pour du mobilier urbain massif, envahissant et qui empiète de plus en plus sur l’espace des piétons (abribus, bornes Autolib’ inutilement énormes, jardinières de pieds d’arbre, etc.). Illustration du massacre en cours : la petite place Gustave-Toudouze (9e), en triangle, avait un charme intime avec ses cafés, ses grands arbres, son banc conçu par Gabriel Davioud, sa fontaine Wallace et un kiosque classique avec chacun leur petit dôme qui se faisaient écho. Mais voilà, le bulldozer de la modernisation voulue par la mairie est passé par là : l’harmonie de l’endroit est désormais rompue. À quand le remplacement de la fontaine et du banc par des modèles eux aussi plus modernes, histoire de bien tout bousiller ?

Avant : un kiosque à journaux traditionnel, modèle JCDecaux des années 1980 reprenant la silhouette classique du modèle Davioud du 19e siècle (ici place Toudouze, Paris 9e)

Après : le nouveau modèle « déparisianisé » qui va être imposé partout (ici place Toudouze, Paris 9e)

PK/JLW