Le 24 mai dernier, le tribunal administratif de Paris nous déboutait de notre appel contre le permis de construire du stade de 4 900 places dans le jardin botanique des serres d’Auteuil par la Fédération Française de Tennis (FFT) appuyée par la mairie de Paris.

Ce permis de construire est donc déclaré légal. Pas un seul de la soixantaine d’arguments défendus par nos avocats (patrimoine, urbanisme, botanique) n’a trouvé grâce aux yeux des juges. Autant dire que, contrairement à l’idée généralement admise, la législation française est mal adaptée à la défense du patrimoine et du paysage. C’est une défaite pour le patrimoine, pour l’art paysager, pour la botanique et les espaces verts : en huit années de combat et de procédure, nous n’avons trouvé aucun responsable politique décisionnaire, aucun ministre concerné, aucun juge, pour préserver l’un des plus beaux jardins parisiens, chef d’œuvre architectural et paysager datant de la fin du XIXe siècle.

Il faut garder en mémoire les principales étapes qui ont rendu possible ce crime patrimonial contre le chef d’œuvre de Jean-Camille Formigé, égal en son temps de Baltard et Eiffel :

  • Début 2011, Bertrand Delanoë, maire de Paris, propose à la Fédération Française de Tennis d’étendre Roland-Garros sur le jardin botanique, lui offrant notamment les bâtiments inscrits monuments historiques de l’orangerie et du fleuriste.
  • Lui succédant en avril 2014, Anne Hidalgo poursuit le même projet, les avocats de la mairie de Paris se tenant aux côtés de ceux de la FFT lors de chaque recours des associations.
  • Cela alors même que ces associations ont proposé des mars 2013 un projet alternatif bien mieux adapté (extension de Roland-Garros sur l’autoroute A 13) totalement ignorée par la maire de Paris, qui appose la signature finale au permis de construire le 9 juin 2015,
  • Des associations de défense du patrimoine et de l’environnement (Sites et Monuments, Vieilles Maisons Françaises, SOS Paris, FNE Ile de France) ainsi que des héritiers de Formigé lancent alors des recours auprès du tribunal administratif et du tribunal de grande instance. Saisis en référé, ces tribunaux suspendent en décembre 2015 puis mars 2016 les travaux dans le jardin botanique en attendant les jugements au fond.
  • Malheureusement, début octobre 2016, saisi par la Fédération de tennis et la mairie de Paris, le Conseil d’Etat ordonne la reprise des travaux, assénant un coup fatal aux défenseurs des serres d’Auteuil. Peu importe au Conseil d’Etat qu’il s’agisse d’un monument à la fois historique et d’un site naturel classé, bien au contraire : il estime qu’un stade de sport de 5000 places a tout à fait sa place dans un jardin botanique, qu’il n’était même pas nécessaire de déclasser la partie du jardin concernée, et qu’un morceau de pelouse à Roland Garros vaut largement des allées ombragées d’une centaine d’arbres bordant des serres chaudes permettant au public d’admirer une collection rarissime de quelque 10 000 plantes tropicales !

Voilà pourquoi on peut voir aujourd’hui, dans le jardin botanique des serres d’Auteuil, un énorme édifice de verre et de fer montant à l’assaut du ciel jusqu’à huit mètres de hauteur (voir photo). Il s’agit de serres entourant le stade de 5000 places, « réinterprétées de façon moderne », parait-il. Mais un coup d’œil aux douces courbes des serres de Formigé voisines, fondues dans le paysage, suffit à souligner l’agressivité massive des serres ultra modernes.

Voilà ce qu’on appelle privatiser l’espace public au profit d’une fédération de sport richissime avec la complicité de la mairie de Paris, au mépris des besoins des parisiens comme des visiteurs. La question reste de savoir s’il faut poursuivre le combat « pour le principe », ou plutôt dans l’espoir de faire évoluer la législation. En tout cas, les combats en faveur du patrimoine et de l’environnement ne vont pas manquer…

Lise Bloch-Morhange
porte-parole fondatrice du comité de soutien des serres d’Auteuil