À Montparnasse, la mairie a aussi des idées. La Ville veut profiter des rénovations de la tour et de la gare pour «réparer» un quartier proprement massacré par la fureur des précédents «modernes». Sauf que ce sont les investisseurs qui risquent d’avoir le dernier mot.

Toujours des visuels éblouissants de blancheur et de verdure, totalement irréalistes pour dissimuler le bétonnage

Au lieu ce printemps une consultation d’urbanisme «inédite», cela va sans dire, sur le modèle bien connu des appels à projets innovants, permettant de contourner la procédure des marchés publics et ne plus payer les avant-projets (la précarisation des architectes bat son plein). Seront mises en compétition après sélection, quatre équipes pluridisciplinaires, d’aménagement urbain et d’architecture, de paysage, d’études techniques, de programmation et de financement de projet pour un projet urbain mené en partenariat avec les différentes parties prenantes, tour Montparnasse, gare, musée de la Libération appelés à transformation.

La rénovation de la tour la plus laide d’Europe est bien en marche. La mairie fait sur son site municipal la promotion de cet immeuble privé, les espaces publics et privés étant de moins en moins différenciés ! Sa métamorphose mirifique sur papier la rendra «claire, bas-carbone, économe». Elle est imaginée comme une ville verticale avec en pied de tour, épaissie, commerces et services et pour «valoriser» ses sous-sol, des patios agrémentant les nouveaux «programmes» souterrains, enfin un hôtel sera créé entre les 42e et 45e étages, avec au sommet une serre agricole, permettant de gagner encore 20 m de hauteur (grâce au nouveau PLU) pour un espace évènementiel, un restaurant et l’observatoire panoramique, travaux qui devraient s’achever en 2024. Parallèlement la gare Montparnasse fait peau neuve mais peine à trouver son esthétique. Sa modernisation (2017-20) profite de la mise en service de la LGV Sud Europe Atlantique avec une augmentation des flux de voyageurs de 50% (soit de 200000 à 300000 voyageurs/jour), pour restructurer le bâtiment et créer 6 000 m2 de commerces, plus ouverts sur la rue mais rien pour pallier la saturation des transports.

Le musée de la Libération, invisible et donc invisité, car situé sur la dalle du jardin Atlantique, est lui aussi de la partie car sélectionné par la Ville dans son appel à projets innovants « Réinventer Paris – les dessous de Paris» de 2017. Faut-il s’en réjouir? L’état d’obsolescence criant de ce secteur Maine-Montparnasse, avec son urbanisme sur dalle des années 60-70 et sa conception architecturale si pauvre, montre combien la prétention de modernité dont on nous bassine est illusoire : Rien à voir avec l’architecture haussmannienne ou celle plus modeste des faubourgs qui résistent au temps, aux modes et aux changements d’usage pour un coût environnemental incomparable. Profitons-en pour rappeler les perpétuelles campagnes de dénigrement qui accusent notre association SOS Paris d’être passéiste et de ne rien comprendre à l’esprit de modernité. C’est tout le contraire : pour nous l’obsession de la modernité, c’est celle de la mode qui par nature est vouée à l’obsolescence. Nous défendons une architecture d’harmonie, qui s’appuie sur l’histoire pour rêver l’avenir.

Ce quartier ne s’est jamais vraiment remis de son massacre où plus de 400 ateliers d’artistes, et toute une suite de modestes artisans ont dû céder devant les pelleteuses et un rêve économique qui n’a jamais vu le jour. Le mea culpa de la ville sur les errements urbanistique des années 70 est bienvenu quoiqu’ici intéressé puisqu’il sert de prétexte à une rénovation d’ampleur. Le projet de réparation porte de grandes ambitions, une langue de bois certaine mais aussi des propositions inquiétantes comme « Accompagner les métamorphoses des tours Montparnasse et CIT, valoriser les sous-sols en y installant des programmes au service du projet urbain et d’une ville attractive, durable et résiliente, notamment un espace de logistique urbaine répondant aux caractéristiques du quartier » plus un parking à vélo souterrain semble-t-il alors que vélos et souterrains sont antinomiques…

L’idée principale serait de prolonger la rue de Rennes jusqu’à la gare en détruisant l’actuel centre commercial et peut-être le CIT (Centre International du Travail), la dalle et en option le tunnel de l’avenue du Maine, tout en cherchant à rendre aux mobilités douces les espaces, publics ou privés, très largement construits au passage.

Plusieurs volumes qui n’existaient pas avant

Si l’idée semble alléchante, les propos de Jean-Louis Missika, lors de la réunion de présentation – concertation du 25 mai, ont vite laissé entrevoir la logique affairiste du projet : + 90 000 m2 de surfaces commerciales, + 50% de trafic pour la gare Montparnasse, silence radio sur l’inquiétante thrombose des transports en commun. D’espaces de respiration pour ces nouveaux logements, il n’en a pas été question, la ville se contenterait de rendre plus accessible le jardin atlantique invisible de la rue puisque perché au-dessus des voies, ersatz de jardin où les arbres ont tant de mal à se développer.

La réunion de lancement faisait salle comble, une salle très méfiante qui interrogeait sur les risques que ces nouvelles surfaces commerciales faisaient peser sur les commerces existants, demandait des études prouvant ces nécessités. Les questions des habitants étaient argumentées, raisonnables, intelligentes, malheureusement le dialogue n’est pas prévu dans le mode opératoire de notre municipalité, qui prétend tout savoir et faire fi des propositions de ses administrés. L’équipe lauréate parmi les quatre équipes pluridisciplinaires qui doivent proposer les principes d’aménagement du quartier sera désignée début 2019 pour des travaux censés aboutir en 2030. La piscine Montparnasse sera-t-elle fermée sans solution de secours? Les nageurs et riverains sont inquiets.

D’ici là des ateliers et balades urbaines sont prévues : il faut donner son avis sur la plateforme numérique de la ville (lien). Mais pour aboutir à une réelle co-construction, il faudrait déjà des élus qui aient envie d’écouter…

Une chose nous a parue claire : les limites de la concertation vont s’arrêter aux intérêts privés. Les habitants savent bien que l’intérêt général sera la dernière roue du carosse et risque bien de faire les frais de tout le reste.

Christine Nedelec

Registre des avis : mainemontparnasse@imaginons.paris