À l’heure où Anne Hidalgo voit Paris en ville- monde, le site le plus emblématique de la capitale, le Champ-de-Mars, est un véritable champ de ruines.

Écrin de la tour Eiffel, premier site touristique français avec 21 millions de visiteurs, vitrine de Paris et de la France, la gestion inexistante et donc défaillante de la Ville de Paris est un véritable drame national.

Pire, la politique événementielle, revendiquée de manière autoritaire par la Maire de Paris, a des conséquences désastreuses pour ce qui devrait être un des plus beaux jardins d’Europe.

Le projet actuel de construction de 14000 mètres carrés pour accueillir les expositions du Grand Palais, fermé pour cause de travaux en vue des JO, au sein d’un des principaux espaces verts de Paris s’inscrit dans ce contexte.

Quand le bateau prend l’eau

La défaillance de la mairie de Paris dans la gestion de ce site hautement stratégique n’est pas nouvelle. Affectation de moyens insuffisants, absence de vision et d’ambition, incompréhension des enjeux expliquent l’état désastreux de ce qui devrait être un site de référence.

Suivant une étude de l’ONF, moins de 700 arbres sur les 1 800 que compte ce jardin peuvent aujourd’hui être considérés comme sains. Les allées en sable stabilisé n’ont pas été refaites depuis des décennies et se transforment en véritables marécages, à la moindre pluie. Les pelouses totalement détruites à l’issue de la Fan Zone de l’Euro 2016, entièrement refaites en 2017 (pour un investissement de plus de 500 000 € aux frais du contribuable), sont aujourd’hui dans un triste état. La saleté, liée à un ramassage des ordures totalement insuffisant eu égard à la fréquentation du site, entraîne la prolifération des rats.

Le Champ-de-Mars est donc un Champ de ruines et cela pose une question : ce site risque-t-il à terme de perdre son classement par l’UNESCO ?

Une totale absence de prise en compte des usagers et des attentes des Parisiens

Le Champ-de-Mars est avec plus de 24 hectares le principal poumon vert de Paris. Les jardins dans un espace urbain sur-densifié sont un enjeu de santé public essentiel. Plus de 400 études le démontrent ! Réduction du stress, amélioration de l’état physique; pour les chercheurs et les médecins le bonheur est définitivement dans le pré !

Avec deux toilettes (la plupart du temps hors d’usage et dans un état de saleté épouvantable) pour 21 millions de visiteurs tout est dit… Les touristes sont éberlués de découvrir, certains jours, au pied de la tour Eiffel une décharge à ciel ouvert. Les rats éclipsent désormais la tour Eiffel sur les réseaux sociaux. La mairie de Paris a fait de sa lutte anti-voiture un marqueur essentiel de son action, au nom de quoi? De la lutte contre la pollution ? En toute logique, la Ville de Paris devrait donc sanctuariser ses espaces verts. Elle fait tout le contraire… Sur les dossiers verts par excellence, la fibre écolo s’évanouit comme par magie… Au nom de l’événementiel, impliquant une privatisation de l’espace public pour le compte d’intérêts privés, la Ville fait le choix délibéré d’installer des générateurs diesel, durant des semaines, en plein milieu des rares ilots de verdure de la capitale. Incompréhensible…

Consternant alors que Paris manque d’espaces verts en comparaison des autres capitales européennes. Incohérent alors que de nombreux espaces événementiels ne demandent qu’à remplir leurs carnets de commande.

Le Champ-de-Mars, avec 21 millions d’usagers, est un des premiers espaces de vivre ensemble en France. La cohabitation des usages est un enjeu qui devrait être défendu par les pouvoirs publics. Pour certains, c’est un espace qui doit permettre de se ressourcer (familles avec enfants, sportifs, flâneurs venant profiter d’un rayon de soleil sur les pelouses ou sur un banc), pour d’autres, c’est un espace ouvert à l’émerveillement et à la découverte (touristes venant admirer la Tour Eiffel), mais aussi une des plus belles perspectives de Paris, un patrimoine architectural unique, pour d’autres c’est un lieu de convivialité (groupes d’amis venant pique-niquer, ou simple- ment se retrouver dans un cadre propice à la détente), pour les riverains c’est tout simplement un cadre de vie quotidien (écoliers traversant le jardin pour aller à l’école, promeneurs de chiens, personnes allant faire leurs courses côté 15e ou 7e…).

L’événementiel chasse ce public traditionnel qui cohabite paisiblement. L’événementiel privatise le lieu au profit de minorités. Surtout, l’événementiel augmente le taux de charge d’un site déjà à saturation en terme de capacité. Le taux de charge d’un espace public définit sa capacité d’accueil. Ce taux de charge est fonction de la nature du site (un jardin n’a pas la même résistance qu’un plateau en béton) et des infrastructures et moyens qui y sont disponibles (toilettes, sécurisation, propreté).

Non au grand palais soit-disant éphémère: quatre ans, ce n’est pas éphémère!

Nous sommes farouchement opposés au projet de construction de 14000mètres carrés d’un espace événementiel en plein cœur du Champ-de-Mars sur l’espace appelé Plateau Joffre. Nous avons lancé une procédure judiciaire devant le tribunal administratif. Nous invitons les parisiens et parisiennes à nous soutenir dans ce combat. L’association a besoin de vous et de vos cotisations pour financer nos démarches.

Le projet de construction de 14 000 mètres carrés qui doit être voté au Conseil de Paris début juillet est un projet inabouti, servant avant tout des intérêts privés et commerciaux. À l’évidence, il faudra payer pour pouvoir accéder à cet espace, ou être sur la liste des VIP pour pouvoir rentrer lors des défilés Chanel… Il s’agit d’un espace public qui doit rester ouvert à tous !

Aucune étude d’impact n’a été réalisée. La sécurisation de cet espace va-t-il entrainer la paralysie de tout un quartier comme lors de la dernière Fan zone? Le parking Joffre va-t-il être fermé durant plusieurs années ? La place Joffre va-t-elle être fermée à la circulation ? Autant de questions aujourd’hui sans réponse. Il est inimaginable que nos élus votent à l’aveugle un tel projet. Représentant des parisiens, nous vous demandons de porter notre voix dignement et de dire non.

En attendant la mobilisation continue ! Pas seulement pour dire non, mais pour que demain le Champ-de-Mars devienne l’un des plus beaux jardins du monde.

Jean Sébastien Baschet
président de l’Association des Amis du Champ-de-Mars