Obsolète… depuis sa construction

Pour les pouvoirs publics de l’ère « De Gaulle – Pompidou », il s’agissait d’adapter la ville à la voiture. Le quartier Montparnasse aurait été le débouché d’une voie à grande circulation « la radiale Vercingétorix » qui devait déverser son flot de voiture dans des rues parisiennes à élargir. À l’époque, les constructions nouvelles devaient avant tout être conçues pour se protéger du flux routier.

Le quartier historique du Montparnasse des artistes a donc été rasé et massacré. Ce grand projet d’autoroute urbaine, sous la pression d’une belle mobilisation parisienne dont SOS Paris a été un acteur majeur, a été complètement abandonné, la société ayant pris conscience de la nuisance du « tout automobile ».

Pour répondre à ce « tout automobile », la tour Montparnasse a été construite sur une dalle, qui supporte également la tour CIT, un centre commercial vieillissant et un immeuble de bureau rue de l’Arrivée. Cet ensemble immobilier, vestige de l’ère automobile, subsiste comme un îlot insolite, surdimensionné, à l’abandon, extérieur à la ville, d’accès difficile pour les piétons qui ont à franchir une rivière de voitures.

Plus épaisse, plus haute…Avec de la verdure pour faire passer la pilule. Vue officielle et donc idéalisée du projet de réhabilitation de la tour Montparnasse.

Plus épaisse, plus haute…Avec de la verdure pour faire passer la pilule. Vue officielle et donc idéalisée du projet de réhabilitation de la tour Montparnasse.

Des rénovations concurrentes menées par les propriétaires privés

Dans la novlangue ambiante, le terme « rénovation » doit être entendu comme démolition et construction nouvelle. Ces rénovations interviennent avant même que les projets de voiries et de circulation soient finalisés. Elles ne sont pas conçues dans un ordre logique d’urbanisme, chaque propriétaire n’a qu’un objectif lucratif, augmenter son emprise au sol, sa hauteur et sa capacité d’accueil de bureaux et de commerces.

Deux autres rénovations voisines sont déjà en voie d’achèvement . Il s’agit du centre commercial « Gaité » et de la gare Montparnasse. Elles sont également initiées par des propriétaires privés (Unibail- Rodamco et la SNCF) et ont déjà augmenté considérablement les surfaces de bureau et de commerce, au détriment des logements.

Un projet et beaucoup d’inconnues

Les projets de rénovation futures des tours Montparnasse et CIT, interviennent avant même de connaître définitivement le sort du centre commercial, lui aussi situé sur la dalle. Cette dalle sera-t-elle aménagée ou, comme le souhaite la maire de Paris, détruite ?

Et la tour Montparnasse ?

Le projet de la tour Montparnasse, déposé il y a six mois prévoit d’accueillir 12 000 personnes au lieu des 6 000 actuelles. Un revêtement clair de la façade, aux dalles irrégulières remplacera l’aspect sombre, son accessibilité sera améliorée et les architectes, choisis par les grandes sociétés propriétaires de la tour, s’engagent simplement « à viser » l’obtention d’un label écologique.

Concrètement, la base de la tour sera élargie par la construction d’une enveloppe de béton, comprenant des balcons végétalisés, sur les 14 premiers étages. À son pied, envahissant le parvis public, seront aménagés les étages souterrains éclairés par des puits de lumières présentés comme des « patios arborés ».

La tour actuellement de 210 mètres de hauteur, sera rehaussée de 23 mètres, soit l’équivalent d’environ 7 étages. Elle présentera à son sommet une « serre écologique » de 19 mètres, emblème du projet. L’on s’interroge sur l’utilisation dans l’avenir de ce volume, car les arbres parisiens, même centenaires et plantés en pleine terre, n’atteignent pas une telle hauteur !

Flux ingérables ?

L’ensemble des rénovations du quartier Maine-Montparnasse attirera les activités dans le sud-ouest de Paris, au détriment du rééquilibrage parisien vers l’est et avec les villes de la périphérie parisienne. Par ailleurs, le quartier Maine-Montparnasse en multipliant les lieux d’activités augmentera considérablement les flux des travailleurs et des clients.

Le portefeuille commercial des usagers n’étant pas extensible, sur quel modèle économique reposent l’ensemble de ces grands projets voisins et concurrents.

Le projet de rénovation de la tour, estimé à 300 millions €, est mené tambour battant pour être achevé en 2024, date des JO parisiens, sans attendre que le projet d’ensemble soit abouti, notamment sur les questions essentielles de la destruction ou de l’aménagement de l’actuel centre commercial. Cette rapidité d’exécution apporte le doute : le projet répond bien aux impératifs à la mode, dynamisme, attractivité et grandiose, mais quid des besoins des habitants qui restent des pions inutiles sur l’échiquier des promoteurs.

À l’ère du numérique, du Grand Paris, du télétravail, les entreprises seront-elles toujours attirées par les locaux intra-muros, par les bureaux en openspace, et par… des loyers très, très chers ?

Les consommateurs continueront-ils à faire leurs courses dans les « temples de la consommation » qu’on leur impose ? Le risque de locaux non amortis et commerce qui périclitent est palpable…

L’échec de l’ensemble actuel, conçu dans les années 60, démontre que la réussite d’un grand projet ne peut pas reposer uniquement sur des effets de mode (vous savez, le moderne !), que ce soit l’automobile ou l’hyper-dynamisation.

Comment apporter les autres ingrédients nécessaires au succès pérenne des projets en cours ?

Il existe une autre conception de l’attractivité, qui repose sur l’inattendu, la beauté, l’histoire, la douceur de vivre, le bien-être. Historiquement, le quartier Montparnasse des artistes en a été l’incarnation jadis.

Plutôt qu’une ruche commerciale ingérable, il serait temps de penser à l’harmonie de la ville, insérée dans sa métropole et de respecter un équilibre des populations, résidents, travailleurs et passants.

Catherine Marie