Répondant à l’appel à projets urbains innovants « Réinventer Paris », la Compagnie de Phalsbourg a conçu porte Maillot une gigantesque construction qui prend en écharpe toute la place et qui devrait être plantée de mille arbres. Edifiée par Soufflot en 1780, la porte Mahioulse ou porte Maillot en a vu d’autres… projets ! Cette proposition récente est le dernier avatar d’une histoire abondante en démesure et en folies exubérantes. Depuis 1900, la porte est tête de ligne d’un « chemin de fer électrique de Paris à la forêt de Saint-Germain-en-Laye », le lieu d’un énorme « Monument au Poilu ». En 1930, une consultation lancée pour « l’étude architecturale de la place » connaît un grand succès : les architectes célèbres de l’époque, Granet, Perret, Le Corbusier, Mallet-Stevens ou Sauvage, proposent des dessins talentueux à une échelle gigantesque, immeubles à gradins et pyramides symétriques, place ornée d’obélisques.
En 1931, un nouveau concours souhaite faire oublier le précédent en privilégiant « l’esthétique, la circulation, la réalisation ». Il s’agissait de concevoir la porte Maillot dans le contexte plus ambitieux de l’aménagement de toute l’avenue de Neuilly. Les projets succèdent aux propositions plus ou moins mégalomanes : énormes repères, formidables signaux sur la route de Saint-Germain-en-Laye. Par exemple, André Granet qui en 1930 avait conçu une place relativement sage ornée de « galeries, pylônes, obélisques et statues », réalise un nouveau projet répondant ainsi au concours organisé en 1931. La célébration des morts de la Grande Guerre devait être marquée par une œuvre d’art remarquable. Ainsi la perspective axiale de la voie triomphale de Granet, nommée « Avenue des Traditions » est une très large avenue bordée d’immeubles à gradins. Flanquée à sa base d’obélisques, la perspective donne sur un impressionnant monument à la gloire des Poilus, en forme de fusée portant très haut la statue du Maréchal Foch. Henri Prost, architecte en chef, Grand Prix de Rome, publia son rapport relatif au concours dans le numéro 1 de la revue Urbanisme et souligna « qu’aucun concurrent n’avait apporté de solution au problème de la circulation digne de notre capitale. Les préoccupations financières qui heurtent tous les esprits n’ont pas permis de prêter une attention toute particulière à ces propositions dont la réalisation, même échelonnée sur un grand nombre d’années n’a pas paru conciliable avec le développement économique de Neuilly ». Regrettons-nous la force monumentale des projets d’antan ? La place a eu l’avantage d’être une sorte de laboratoire et de catalogue de projets d’architecture et d’urbanisme. Des sites urbains sont plébiscités pour leur talent, sortes de « genius loci ». La porte Maillot n’a jamais été qualifiée de la sorte. Pourquoi créer de manière permanente des projets qui, par leur échelle, leur démesure agressive écrasent et sont en rupture avec leur environnement ? Il serait agréable pour l’usager qui arrive ou quitte Paris par l’avenue de Neuilly, d’avoir un signal fort mais aimable, sans ostentation ni artifice, dans la totale compréhension du concept d’insertion urbaine, ou plus modestement de la compréhension du paysage environnant.
Jean-Pierre Courtiau
Référence : Paris, architectures visionnaires, architectures de la création, de Jean-Pierre Courtiau, Éditions PC, mars 2010