Nouvelle serre habillant le court de tennis. (Photo Lise Bloch-Morhange)

Nouvelle serre habillant le court de tennis. (Photo Lise Bloch-Morhange)

En réponse à l’article du Parisien du 7 février dernier : « Roland-Garros : Le court des serres est prêt pour le prochain tournoi ».

Dans un article daté du 7 février, Le Parisien affirme « Le nouveau court de tennis Simonne-Mathieu… désormais fait partie du paysage ». Notons en passant le nom donné par la Fédération française de tennis, celui d’une tenniswoman totalement inconnue du public.

À vrai dire, lorsqu’on se trouve sur place, on peut aussi estimer que ce nouveau stade (un court de 5000 places s’appelle un stade) écrase le paysage. D’une part la masse des panneaux de vitres des serres modernes s’élevant des quatre côtés, aux points les plus hauts à huit mètres du sol et non six mètres (soit l’équivalent de deux étages et demi) est considérable, d’autre part, comme il est dit au cours de l’article : « Certes, les écailles de verre des nouvelles serres créent des décalages de niveaux…. Cette esthétique moderne, malgré les efforts d’intégration, est incomparable avec les serres de Jean-Camille Formigé. »

On ne saurait mieux dire : la centaine d’arbres et les allées qui séparaient cette partie du jardin botanique des grandes serres Formigé ayant été arrachées et supprimées (et oubliées dans l’article, à l’heure du désastre écologique mondial), le nouveau stade est non seulement devenu l’élément central quand on se trouve boulevard d’Auteuil, mais il écrase visuellement l’Orangerie et le Fleuriste, ainsi que les grandes serres Formigé toutes proches lorsqu’on arrive devant le palmarium: les vantaux des serres modernes, faits de banales grandes vitres à l’armature métallique blanche, sont une injure esthétique aux délicats petits panneaux de verre cathédrale (filtrant lumière et chaleur) et à l’exquise armature aérienne bleu Formigé, toutes innovations dues à cet élève de Baltard, l’un des plus grands architectes-paysagistes de la fin du XIXe siècle qui avait souhaité et réussi à « joindre l’utile à l’agréable » aux Serres d’Auteuil.

Cet inégal combat esthétique, sorte de David contre Goliath visuel, conduit à se demander s’il n’aurait pas mieux valu s’en tenir au stade semi enterré, qui se serait révélé beaucoup plus discret. À quoi sert un stade semi enterré s’il est entouré de serres de six à huit mètres de hauteur ?

Une parodie de concertation

Ironie de l’histoire : les associations de défense du Jardin botanique des Serres d’Auteuil triplement protégé par la loi (inscrit monument historique, labellisé site naturel et jardin botanique) ayant participé dès fin 2011 aux (quelque douze) séances de concertation (sic !) avec la fédération de tennis (FFT) et la ville de Paris, s’alarmaient de la disparition des neuf serres chaudes de production construites par Formigé, perpendiculaires au boulevard d’Auteuil. Modernisées au cours des décennies suivantes, contenant une collection de valeur mondiale de 10 000 plantes tropicales et sub tropicales (ayant valu au jardin son label botanique), elles seraient rasées si le stade de la FFT était construit.

Pour calmer les alarmes des citoyens, l’architecte a proposé d’entourer le stade de serres modernes ! Ainsi la soi-disant concertation s’est-elle retournée contre les citoyens pour finir par accoucher de cette masse de verre, de fer et d’aluminium dénaturant le jardin et les aériennes créations de Formigé.

Puis pour faire passer la pilule, à la demande de la maire de Paris, les services de la DEVE (Direction des espaces verts) ont été priés de concocter un projet pour meubler ces quatre serres géantes : « Quatre serres et 800 plantes » proclame l’intertitre du Parisien. Mais ces 800 plantes (des arbres tout juste plantés) ne représentent rien à côté de l’ancien trésor de 10 000 plantes des anciennes serres chaudes, plantes déménagées dans les grandes serres Formigé, qui ne sont pas des serres chaudes convenant aux fragiles plantes tropicales.

Un symbole désastreux

À l’heure du bilan, il faut admettre que loin de « faire partie du paysage », le nouveau stade de la FFT qui ampute et bétonne l’un des plus beaux jardins de Paris, se dresse agressivement tel un désastre écologique et patrimonial, et un symbole de la toute puissance du fric sport. Bien que des héritiers de Jean-Camille Formigé se soient mobilisés pour défendre l’intégrité du chef d’œuvre de leur ancêtre, aucun juge du tribunal de grande instance n’a voulu les suivre. De même lors des nombreux recours des associations auprès du tribunal administratif, ces dernières ont-elles gagné en première instance et perdu en appel face à la ville de Paris et la FFT. Le coup de grâce étant venu du Conseil d’Etat (tout comme dans l’affaire de la Samaritaine).

Et comment se fait-il que ni les autorités concernées, ni les juges des tribunaux, n’aient pris en compte la masse des 84 000 signataires de la pétition Sauvons les Serres d’Auteuil lancée dès octobre 2010 ? Des amoureux des Serres d’Auteuil de toute la France et bien des pays étrangers.

Celles et ceux qui ont suivi les sept années de combat savent pourtant qu’il existait une autre solution proposée par les associations, dont l’article du Parisien ne dit mot : élargir Roland-Garros sur l’autoroute A13 passant juste au nord du stade, ce qui aurait accessoirement permis de réparer la saignée écologique faite sur le bois de Boulogne. Une solution évidente et écologique, offrant d’ailleurs plus d’espace à la FFT, et permettant de ne pas amputer le jardin déjà réduit d’un tiers lors de la construction du périphérique en 1968.

Mais aujourd’hui, le stade des Serres d’Auteuil, réduisant le Jardin botanique à un square qui lui est accolé, s’élève de toute sa masse comme un témoin de la lutte des citoyens en faveur des jardins contre le sport fric, et comme un signal de continuer le combat plus que jamais.

Lise Bloch-Morhange,
fondatrice-porte-parole du Comité de soutien des Serres d’Auteuil