Le laureat de l’appel à projet Inventer Bruneseau a été désigné, ce sera Nouvel.R, un quartier ultradense en bordure de périphérique, dans le 13e. Des tours de logements chers, une école donnant directement sur le flot de voitures, pas de logements sociaux et pas de jardins, les terrasses jardinées pallieront : voilà le programme pour financer la fin de ZAC Paris Rive Gauche. Que la Ville elle-même orchestre ces coups spéculatifs d’un urbanisme décomplexé livré aux développeurs et promoteurs a paru si grave aux associations membres de la concertation Paris Rive Gauche qu’elles ont décidé de taper du poing sur la table en quittant pour la plupart la réunion de présentation des lauréats. Voici le texte que SOS Paris a présenté lors de ce clash.

Des tours et une densification maximale pour le projet de quartier Bruneseau

SOS Paris est une association de défense du patrimoine et du cadre de vie à Paris, créée en 1973 à l’heure où l’on voulait éventrer Paris à coup d’autoroutes et planter des tours et des ZAC à tous les coins de rues. Si nous nous réjouissons que la ville supprime aujourd’hui les autoroutes urbaines telles que les voies sur berges, sur le plan du bâti nous en sommes presque revenus aux années 70 : tables rases, tours et grands blocs sans dialogue ou en rupture avec l’existant. Mais ce que comme bon nombre des membres de la coordination Paris Rive Gauche, notre association dénonce, c’est l’hyperdensification actuelle puisqu’elle augmente les problèmes de congestion et de pollution préjudiciables à la santé.

Urbanisme des hauteurs

De même, SOS Paris considère que le dépassement du plafond d’une hauteur supérieure aux 37 m déjà considérablement élevé par rapport au passé contribue à la construction d’un quartier dont la ligne de toits est en totale rupture avec la silhouette qui a fait la réputation mondiale de Paris, tandis que les Parisiens dès qu’ils sont interrogés rejettent avec constance la grande hauteur (à plus de 62 % en 2004 et en 2014). Mais cette question, malgré nos demandes, a été soustraite d’un débat public qui aurait dû être coordonné par les universitaires et des experts garantissant une bonne qualité des échanges.

Urbanisme minéral

Les projets actuels développés par la SEMAPA et notamment les derniers dossiers concernant les appels à projet Bruneseau- montrent une nouvelle façon de faire la ville où ce n’est plus la municipalité qui aménage mais le privé. Ceci conduit à une densification de l’espace tout à fait dommageable pour les habitants. La question environnementale n’est pas abordée sinon par des normes de mise en œuvre des bâtiments. Les corridors écologiques sont prétendument maintenus par des toits végétalisés, alors qu’on sait qu’au-delà de 12 m de hauteur, on ne crée que des îlots de verdure très gourmands en eau et qui rompent les continuités écologiques. Les espaces verts se réduisent à des « pocket garden » ou des jardins minéraux comme sur la ZAC gare de Lyon Daumesnil : tout est dit ! Pour la ville, les 30 ha des voies berges bituminées forment le Parc de Seine ! Pour en revenir à PRG, le bilan des espaces verts sur la ZAC serait de 109 000 m2 pour 2,1 millions de m2 de béton, c’est-à-dire à peine 5 % quand l’OMS préconise un seuil pour la bonne santé des habitant de 10 m2 d’espaces verts par habitants et que dans les années 70, on visait 30 %.

Urgence climatique

L’urgence environnementale est impérative, le GIEC ne cesse de le répéter et pourtant, la Ville continue d’accumuler ses erreurs en matière d’urbanisme et même les amplifier. Au lieu de changer de logiciel, la méthode est toujours la même en pire : la bétonisation s’accélère tandis que les méthodes de concertation des populations et de co-constructions des décisions d’urbanisme ne sont pas satisfaisantes, un mois d’enquête publique pour des projets et des dossiers gigantesques dont les Parisiens ont à peine connaissance ou n’ont pas les moyens d’étudier.

Bruneseau une densification dangereuse

Pour revenir au quartier Bruneseau et ces appels à projets urbains innovants Réinventer que nous dénonçons car ils transfèrent au privé la compétence en matière d’urbanisme de la ville – qui perd par ce truchement son pouvoir planificateur-, la densité de construction de bureaux et logements aux charges monstrueuses dans ce lieu tout à fait inhospitalier (ne parlons pas des écoles en zones polluées) nous paraît une grave erreur. Nous sommes nombreux à penser que la ZAC doit accepter de rester déficitaire plutôt que de produire un quartier qui sera tout, sauf exemplaire.

Christine Nedelec,
avril 2019