Extrait de la tribune publiée dans la revue d’environnement « Reporterre ».

La Ville de Paris vient de rendre public le projet de la paysagiste Kathryn Gustafson, retenu pour reconfigurer le site du Trocadéro et du Champ de Mars dans la perspective des J.O. de 2024. La concertation publique lancée le 5 juin sur ce jardin ne doit pas faire oublier la part minimaliste accordée aux parcs et jardins dans les derniers projets urbains parisiens. Le jardin du Trocadéro Champ de Mars concerne un des principaux sites touristiques de la capitale, ouvrant sur une perspective “historique’’ majeure, mettant en scène la colline de Chaillot, les bords de Seine, la tour Eiffel, et le Champ de Mars jusqu’à l’Ecole Militaire. Le projet lauréat propose un ensemble piétonnier paysagé de 50 hectares dans un quartier déjà privilégié. D’une facture paysagée classique aux qualités environnementales à ce stade imprécises, ce projet, faisant fi du grand paysage de la traversée de la Seine, propose de planter des arbres sur le pont d’Iéna. Près de 78 M d’euros, financés en grande partie par la redevance de la tour Eiffel, peut-on lire sur le site de la Ville, seront consacrés aux travaux qui devraient s’achever en 2024, léguant à Paris deux hectares supplémentaires d’espaces verts. Voilà bien longtemps que la Ville n’avait manifesté une telle ambition paysagère ! On aurait presque envie de crier bravo ! Ces conséquences malheureuses sont le cortège caché de tous les grands projets. Tout comme, aux Champs-Élysées, l’implantation de la sculpture de Jeff Koons n’évoquait pas la destruction de la pelouse qui l’accueille.

Un projet qui masque la bétonisation galopante de Paris

Certes il aura fallu les J.O. et les projecteurs du monde entier rivés sur Paris pour que Ville et État s’occupent enfin de ce Champ de Mars dont les associations réclamaient depuis des décennies respect, entretien et réhabilitation. Mais cette récente annonce ne peut cacher une autre réalité : Paris ville des plus denses au monde manque dramatiquement d’espaces verts. La part consacrée aux espaces verts en pleine terre, ce qui nous semble le plus important pour les habitants, la biodiversité et la lutte contre les îlots de chaleur, diminue dans les récentes opérations d’urbanisme comme dans les nouvelles constructions édifiées à la parcelle. Les 30% de jardins que les années 70 prévoyaient sur chaque opération afin de rattraper le retard parisien se sont malheureusement sérieusement réduits. Citons quelques exemples : 5% sur le futur quartier de grande hauteur parisien de Bercy Charenton qui s’étend sur 52 hectares, des « pockets-gardens’ » pour ne pas dire jardins de poche à « Massena Bruneseau » 13e, des jardinières, pour le petit quartier Lyon-Daumesnil 12e récupéré sur des terrains de la SNCF, 3,5 hectares paysagés dans le futur quartier Chapelle-Charbon pour l’ensemble du périmètre de projets de Paris Nord-Est étendu à près de 200 hectares…. La valorisation foncière en cours, grignote même parfois des parcs existants (comme celui de la Cité Universitaire de Paris dans le 14e) ou des grands espaces sportifs, reconfigurés pour libérer du terrain à bâtir comme le stade de Ménilmontant 11e ou l’espace sportif Netter-Debergue 12e. Le verdissement de Paris dont on nous parle tous les jours est trop souvent du « greenwashing » ; le rituel architectural à la mode privilégie « un arbre à chaque étage » aux arbres en pleine terre qui contribuent aussi à la lutte contre l’imperméabilisation des sols. Les promoteurs et investisseurs l’ont bien compris, au prix du m2, la végétalisation-spectacle de l’architecture des terrasses aux pignons justifie l’augmentation des emprises constructibles au sol. Mais elle ne remplacera jamais la pleine terre, ses substrats fertiles, sa flore et sa faune.

Associations signataires : SOS Paris, FNE Paris, ARBRES, SPPEF, Les Amis du Champ de Mars, ASA PNE, La Seine n’est pas à vendre, ADA 13, ARBEELV, ASQSVP (Saint-Vincent-de-Paul), Qualité de vie Vincennes, Le 20e autrement, Tunnel des Artisans, Collectif Baron Leroy, Asso Netter Debergue, Ilot Navarre, Respiration Paris 15, Les Amis de Bercy Charenton, Association Netter-Debergue, Vivre à Picpus 12e, Association Surmelin Saint-Fargeau, Défense square Clos-Feuquière Respiration Vaugirard, Association Amis des 5 rues, ADREZ. Juin 2019

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