La Maison de la Radio qui vient d’être inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques a failli disparaître derrière une construction sur les quais de Seine : le projet Parking Grenelle ! La levée de bouclier face à la frénésie de Jean-Louis Missika a semblé enterrer le projet qui ressurgit soudain plus vif que jamais après l’été.

Le projet de construction devant la Maison de la Radio (Hardel Le Bihan Architectes)

Voici le vœu pour la préservation des terrains de bords de Seine en face de la Maison de la Radio rattaché à la délibération DU13  présenté au Conseil de Paris de juin.

Le Conseil de Paris en ses séances des 11, 12 et 13 juin 2019,

• Considérant l’appel à projets « Réinventer la Seine » lancé en mars 2016 sur le modèle de « Réinventer Paris », dont la volonté affichée « des partenaires publics est de capitaliser les richesses du fleuve et de s’appuyer sur ses atouts pour réinterroger les interfaces ville-fleuve par l’émergence de projets urbains innovants incarnant autant de possibilités de vivre autrement avec le fleuve et d’en révéler ces atouts »,

• Considérant que le site situé 1 à 9 avenue du Président Kennedy à Paris (16e), dit Parking du Pont de Grenelle, correspond à des terrains privés expropriés en 1965, il y a plus de 50 ans par l’Etat et la préfecture de Paris, pour y construire le nouveau pont de Grenelle, dégager sur la Seine le nouveau bâtiment de la jeune ORTF, et réaliser la voie express rive droite, et que l’esprit de l’architecte de la Maison de la Radio envisageait que puisse ainsi être réalisé, un grand parvis jusqu’aux berges du fleuve,

• Considérant que les terrains expropriés, devenus propriété de la Ville et de l’Etat, ont été par la suite affectés par voie de concession à la réalisation d’un parc de stationnement, laissant  dégagé de toutes constructions le niveau du quai haut de cet équipement en bord de Seine,

• Considérant que le projet « En Seine ! » retenu et proposé par la Sogaris mandataire d’un groupement, comporte une partie en sous-sol, à la place de l’ancien parking, consistant en une plate-forme logistique fluviale et urbaine du dernier kilomètre et une station-service multi-énergies décarbonnées, équipement vertueux au regard des objectifs de fret sur le fleuve et du plan climat de Paris,

• Considérant que sur la dalle, il est prévu dans le projet la construction d’un immeuble de trois étages abritant un pôle d’enseignement supérieur privé, mais qui de fait va s’interposer entre la Seine et la maison de la Radio, reléguée en deuxième plan,

• Considérant qu’à l’automne 2017, une procédure d’inscription de la maison de la Radio au titre des Monuments historiques a été engagée et que ce bâtiment a bien été inscrit le 26 mars 2018 par arrêté du préfet de région n° 2018-03-26-001, comme le précise l’exposé des motifs de la délibération et mettant précisément en exergue l’importance de la visibilité de la maison de la Radio depuis la Seine et dans le paysage urbain,

• Considérant que la seule façon dont la délibération semble prendre en compte cette nouveauté est de décaler plus près du pont l’emprise des futurs bâtiments ce qui ne saurait prendre la mesure de la nécessité de ne pas construire sur l’ensemble du site,

• Considérant que s’agissant du domaine privé de collectivités publiques, leur cession à des opérateurs privés nécessite au préalable d’engager par voie d’enquête publique leur déclassement,

• Considérant qu’il conviendrait donc d’abord de procéder à cette enquête publique  avant d’autoriser éventuellement quelque opérateur à y faire plus amples études et d’occuper le terrain,

• Considérant que l’inscription au PLU de Paris d’une partie de quai haut de la Seine en zone urbaine à cet endroit ne saurait lui conférer des droits à construire, sauf à considérer qu’il s’agit de fait pour la Ville d’une opération foncière spéculative en contradiction historique des actes passés, et des décisions récentes,

• Considérant que le montage économique du projet dans la démarche « Réinventer la Seine » fait porter le financement du projet en sous-sol relevant de l’intérêt général par le projet de construction sur la dalle, pour rentabiliser via des promoteurs privés la transformation du foncier en foncier constructible et donc spéculatif,

• Considérant que pour tous ces motifs et indépendamment de la qualité du projet « En Seine ! » pour sa partie basse, il convient de retirer de l’ordre du jour la délibération,

• Considérant que les terrains de bords de Seine ne sauraient être réduits à une visée de spéculation foncière pour des projets aggravant la bétonisation, quel que soit l’intéressement de la ville dans la cession et les droits de concessions à venir que présentent le projet retenu,

• Considérant en effet que les propriétés publiques des bords de Seine restent le bien commun non seulement des Parisien-ne-s et le bonheur des visiteurs mais plus largement un fleuve à préserver,

• Considérant l’ensemble du méandre de la Seine, appréhendé comme une entité géographique et historique, comme un exemple exceptionnel et unique d’architecture urbaine auquel les Parisiens sont attachés, ainsi que le rappelle l’association « La Seine n’est pas à vendre »,

• Considérant l’aggravation du réchauffement climatique qui oblige à regarder les fleuves et cours d’eau comme des biens communs naturels à préserver mais aussi comme d’indispensables couloirs de ventilation et de rafraîchissement des quartiers denses de Paris et que ce projet en l’état conduit à renforcer les constructions sur les bords de la Seine, ce qui est un déni écologique et environnemental,

Sur proposition de Danielle Simonnet, le Conseil de Paris émet le voeu :

• Que le Conseil de Paris retire la délibération DU 13 de l’ordre du jour,

• Que soit trouvé, pour le projet de fret et d’énergie en infrastructure, un financement public non lié à une recherche de valorisation foncière spéculative,

• Que le devenir de la dalle soit discuté publiquement avec les responsables de Radio France, les usagers, les habitants, les élu-e-s et les associations du quartier, dans le cadre par exemple de l’Atelier Seine mis en place par la Mairie, pouvant donner lieu à la création d’un nouvel espace public paysagé accessible à des évènements culturels.