auver le jardin, renforcer la protection du patrimoine et du vivant
Madame Le Ministre de la Transition écologique et solidaire,
Monsieur le Ministre de la Culture,
Le 11 mai dernier, premier jour du déconfinement, alors que tous les Parisiens étaient en mal de nature, les tronçonneuses abattaient trois magnifiques arbres au cœur du jardin de La Pagode en plein 7e arrondissement et ce, en pleine période de nidification. Sous les yeux stupéfiés des riverains, des associations et de la twittosphère révoltée, l’harmonie céleste de La Pagode et son écrin de verdure était détruite.
Or l’aménagement prévu est contraire à l’esprit de sauvegarde du patrimoine et aux objectifs de hautes protections, classement Monument Historique et PSMV du 7e, la Commission du Vieux Paris n’ayant eu à se prononcer que sur la faisabilité du projet. L’abattage des arbres n’a été rendu possible que par une erreur d’appréciation manifeste. En effet, le règlement du PSMV ne permet d’abattre les arbres dans les jardins protégés au titre des MH (article US 13.3.2. 1°, 2a et 2b) que pour deux motifs: soit ils n’ont pas leur place dans le cadre du projet de réaménagement d’ensemble du jardin, soit ils sont en mauvais état phytosanitaire. Il y aurait donc eu erreur : Ici les arbres n’étaient pas en mauvais état et aucun projet de réaménagement d’ensemble du jardin ne rendait nécessaire l’abattage de ces arbres.
Une grande partie du mal est faite, la perte irréparable de ces arbres et de l’harmonieux dialogue entre la nature et les pierres, si recherché dans les civilisations orientales. Mais des aménagements du projet restent possibles : l’excavation et l’artificialisation totale du sol du jardin peuvent être abandonnées, l’intervention sur le porche et l’enceinte aussi, ou modifiée. En outre, pour nos juristes, la destruction projetée du jardin nécessite un déclassement partiel ou total du site, d’autant que les arbres remplacés, plantés sur dalle, ne sauraient retrouver à l’identique le déploiement qui avait présidé à leur classement.
La destruction de ce site emblématique peut être le terreau de protections plus respectueuses du vivant. Nous vous demandons par cette lettre, au vu de la crise sanitaire et environnementale, de considérer la nécessité de sanctuariser la nature à Paris, jardins publics et privés et leurs arbres et de faciliter la mise en place d’un moratoire sur les projets parisiens, qui menacent, par centaines, les ensembles et les cœurs d’ilots, la respiration des tissus et la résilience des sols parisiens. Il y va de l’avenir patrimonial et environnemental de Paris.
Au-delà des questions patrimoniales qui appellent une grande subtilité d’intervention, Il faut comprendre qu’un jardin sur dalle n’est plus un jardin, ce n’est qu’un bac, une jardinière géante. La circulation de l’eau ne s’y fait pas, le cycle de l’eau est rompu, n’atteint pas la nappe phréatique, si bien que l’eau ne va plus alimenter les tissus naturels, les racines des arbres notamment. De même, un arbre coupé ne se remplace pas comme un réverbère. Il faut des décennies pour une maturité qu’il ne retrouvera jamais dans un milieu artificialisé, le réchauffement climatique compliquant ses conditions de survie.
Nos règles d’urbanisme sont devenues dangereuses pour la nature en ville, les modifications du document d’urbanisme adoptées en 2016, d’une large permissivité, facilitent la construction des cœurs d’ilots, leur excavation, l’abattage d’arbres et l’imperméabilisation des sols au profit d’une bétonisation intégrale des parcelles. Cette densification des quartiers nuit gravement à la santé des Parisiens.
Nous espérons vivement que vous aurez à cœur de veiller à la réparation des dommages commis à La Pagode et d’intervenir pour arrêter à temps les dommages qui menacent.
Nous serions également heureux de connaître vos intentions pour assurer à l’avenir les moyens d’une protection renforcée du patrimoine et du vivant.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre haute considération.
Associations signataires :
FNE Paris, SOS Paris, Sites et Monuments, ARBRES, GNSA, Association pour la sauvegarde du site de la rue Oudinot