Paris, 8 juin 2023 – La Cour du Bel Air, lieu de mémoire des mousquetaires et des artisans juifs déportés, est en péril à Paris, ont déclaré jeudi cinq associations appelant à la protéger d’urgence au titre des monuments historiques.
« Ce site remarquable, conservant la mémoire de Paris sur quatre siècles, est menacé d’être défiguré et vidé de son patrimoine par des projets de bétonnage et de démolition », déclarent les associations Sites & Monuments, SOS Paris, Paris Historique, Histoire et Patrimoine du 12e et Mémoires du Convoi 6 et des camps du Loiret qui ont mis en ligne une pétition adressée à la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak : www.change.org/SauvonsLaCourDuBel-Air.
« Détruire un tel lieu historique marquerait un triste recul dans la préservation du tissu urbain du faubourg Saint-Antoine, un des hauts lieux du patrimoine parisien et de la mémoire ouvrière », souligne l’historien de l’architecture Alexandre Gady, l’une des personnalités signataires de la pétition. « N’ayons pas peur de protéger notre histoire ! », ajoute-t-il.
Cette situation critique est due à l’avis défavorable à la protection émis le 4 octobre 2022 par la délégation permanente de la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture (CRPA). Suite à un Recours gracieux des associations, le Préfet de région, Marc Guillaume, a cassé ce refus d’inscription le 30 mars et décidé son réexamen ce 13 juin par la CRPA.
« C’est une problématique furieusement d’actualité : la mairie de Paris révise son Plan Local d’Urbanisme (PLU), alors que pour protéger ces intérieurs remarquables il faudrait un Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV) », estime le président de l’association Sites & Monuments, Julien Lacaze. « L’État rejette les demandes de protection au titre des monuments historiques sans créer d’office un Site Patrimonial Remarquable (SPR) à PSMV », dénonce-t-il. « Paris ne peut pas continuer à démolir son patrimoine qui est notre richesse collective ! », fait valoir de son côté Christine Nedelec, présidente de SOS Paris.
Il y a urgence : les caves voûtées d’arêtes des mousquetaires (1637), uniques au faubourg, commencent à être murées par des parpaings. Au-dessus, l’« escalier des mousquetaires noirs » (1637), est également laissé sans protection. Les mousquetaires noirs — appelés ainsi en raison de la robe de leurs chevaux — ont logé au faubourg Saint-Antoine, et à l’hôtel du Bel-Air, sur ordre du roi Louis XIV de 1668 à 1704, dans l’attente de la construction de leur caserne à quelques mètres de là. Ces projets destructeurs interviennent alors que le film « Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan » est plébiscité par les Français avec 3,3 millions d’entrées.
En face, dans l’une des dépendances de l’hôtel du Bel-Air, le « grand escalier des ébénistes » bicentenaire et appartenant aux « ateliers-habitations » des artisans juifs, lieu de mémoire des déportations et des spoliations sous l’Occupation, est sur le point d’être détruit : sa démolition a été votée le 13 avril par la copropriété pour installer un ascenseur malgré la décision du préfet de relancer le processus de protection.
« Ces “ateliers/habitations” remarquables, et leurs escaliers du XVIIe et du XIXe, vecteurs de mémoire menacés de démolition, ont été les témoins sous l’Occupation de la disparition de plusieurs familles qui vivaient et travaillaient “Cour du Bel-Air” et ont été déportées sans retour et spoliées », a écrit le 7 février au préfet le président de l’association Mémoires du Convoi 6, Alexandre Borycki. Les dossiers de la spoliation de la Cour du Bel-Air sont conservés aux Archives centrales du peuple juif à Jérusalem.
L’éventration de ce grand escalier historique effacerait ce lieu de mémoire et ferait sauter le verrou qui a protégé pendant des siècles les huit escaliers historiques du site (quatre du XVIIe et quatre du XIXe), le vidant entièrement de son patrimoine le plus précieux.
SOS Paris
Sites & Monuments
Sauvegarde et Mise en Valeur du Paris Historique
Mémoires du Convoi 6 et des camps du Loiret
Histoire et patrimoine du 12e