La mythique académie de la Grande Chaumière est menacée de fermeture ce 1er août 2025. Depuis 1904, les plus grands artistes (Chagall, Giacometti, Soutine…) et les plus anonymes s’y forment d’après modèle vivant.

Communiqué de presse des associations SOS Paris et Monts 14 du mardi 8 avril 2025

Empêchons la fin de l’atelier de la Grande Chaumière. Ce lieu magique et historique, niché dans le 6e, risque de très bientôt disparaître. Après l’atelier de sculpture “Boul’Art”, chassé en 2008 de son lieu au 40, rue Boulard ; après les ABA, Ateliers des Beaux-Arts, expulsés ou mis en vente, notamment ceux de la place des Vosges et du 48, rue de Sévigné en 2018 (et le massacre de l’architecture d’intérieur d’hôtels particuliers du Marais) ; après la fin atroce, début 2016, du musée des Montparnos (dans l’atelier de l’artiste Vassilieff au 21, avenue du Maine), remplacé par l’association Béton Salon, dont l’actuelle maire Anne Hidalgo était co-fondatrice…

Après tout cela, c’est l’atelier de la Grande Chaumière, lieu mythique du Montparnasse des années 1920-1930, au 14, rue de la Grande-Chaumière, connu dans le monde entier, qui, privé de son bail, n’existera plus après le 1er août 2025.

Qui peut s’en satisfaire ? Les lieux de création et de mémoire vivante de Montparnasse, objets d’admiration dans le monde entier, auront bientôt tous disparu.

Les associations SOS Paris et Monts 14 l’ont appris, il y a quelques jours en voyant des commerçants déménager du rez-de-chaussée de l’immeuble où il se trouve.

Mercredi 9 avril 2025 à 13h, elles distribuent des tracts devant le 14, rue de la Grande-Chaumière dans l’espoir d’une solution providentielle : la volte-face du propriétaire ou l’apparition d’un généreux mécène, pour ce lieu de grande valeur, richesse de notre patrimoine collectif.

Pour en savoir plus…

La vente des murs

Suite au décès en 2017 du propriétaire, le notaire Yves Salats, contre toute attente, ses trois légataires, l’Association de prévoyance du notariat de France et les deux œuvres à caractère spirituel, caritatif, éducatif que sont les Apprentis d’Auteuil et la Fondation Notre Dame – Les Bernardins, ont vendu à la bougie, tout l’immeuble en différents lots, en octobre 2018. Entre temps, en juillet, Serge Zagdanski est devenu président à la fois de la Grande Chaumière et de l’Académie Charpentier, associé à Patrick Charpentier, petit-fils du fondateur de cette dernière. Laurent Cattaneo mobilise avec son association contre la menace de fermeture du bâtiment, élèves, artistes, professeurs, grand public, rejoints par des souscripteurs et d’autres lanceurs d’alerte tel Jean-David Jumeau-Lafond de La Tribune des Arts. Une pétition recueille plus de 20.000 signatures : https://www.change.org/p/sauvons-l-atelier-de-la-grande-chaumi%C3%A8re

L’Académie de la Grande chaumière obligée de partir après le 1er août 2025

La Ville de Paris ne réagit pas à l’émoi qui agite les défenseurs de la mémoire de Montparnasse. Souvenons-nous qu’en octobre 2008, l’adjoint chargé de la culture, Christophe Girard, expulsait par la force l’atelier de sculpture “Boul’Art”, situé au 40, rue Boulard. On y enseignait la sculpture dans la pure tradition de Montparnasse. À la fin des années 2010, la Ville se défaisait de son patrimoine d’hôtels particuliers dans le Marais. Elle massacrait leur architecture d’intérieur et expulsait les ABA, Ateliers des Beaux-Arts qui s’y trouvaient encore. Notamment, l’hôtel particulier du 48, rue de Sévigné, où se trouvait un atelier de sculpture et peinture, était mis en vente.

Fin 2015, c’était au tour du musée des Montparnos de faire l’objet de ce saccage généralisé d’un Paris qui faisait rêver dans le monde entier. Sous l’impulsion de Roger Pic, un élan avait eu lieu pour lequel des personnes avaient tout donné, des personnalités connues s’étaient impliquées. Ce photographe renommé avait sauvé une allée d’ateliers d’artistes située au 21, avenue du Maine, parmi lesquels il y avait celui de l’artiste russe Marie Vassilieff, surnommé la “cantine Vassilieff”, pour son accueil des peintres désargentés.

L’art ne se résume pas aux œuvres exposées au musée d’Orsay, c’est aussi le contexte vivant dans lequel elles se sont produites. Aujourd’hui encore, l’atelier de la Grande Chaumière est connu au-delà des frontières. Ses ateliers d’après modèles vivants existent toujours… On y vient, même de très loin, à tout âge, pour retrouver son atmosphère surannée, baignant dans une lumière douce, avec le poêle au milieu de la pièce, pour s’investir avec émulation à la pensée des brillants artistes qui l’ont fréquenté, avec les mêmes chevalets, sous l’œil de professeurs qui maintiennent la tradition…

Le président de l’Académie Charpentier et de l’atelier de la Grande Chaumière, le maire du 6e et les associations voulaient tous le sauver, mais la Ville n’a rien fait pour conserver cet espace de grande valeur.

L’Académie Charpentier est encore en activité, avec des élèves… Mais le propriétaire supprime le bail et tout sera fini après le 1er août 2025. Pouvons nous laisser détruire cet atelier, son atmosphère, un patrimoine… encore vivant ?

L’histoire de la Grande Chaumière

Depuis 1904, étudiants, professeurs, amateurs, journalistes, écrivains, photographes, ou simples curieux ont franchi la porte de cette Chaumière bourdonnante d’activités artistiques. Point de ralliement entre la Closerie des Lilas et les lieux mythiques de Montparnasse, entre les 6e et 14e arrondissements, elle appartient au patrimoine parisien et de ce fait, ne devrait disparaître en aucun cas sous tout autre forme.

En 1900, la peintre suisse bernoise Martha Stettler (1870-1945) prend avec sa compagne suisse Alice Dannenberg la direction administrative d’une modeste école d’art à Paris, formée autour des professeurs Lucien Simon et Claudio Castelucho. C’est à la fois une école privée et un atelier libre, où, fait encore rare, les femmes peuvent aussi dessiner les modèles masculins nus. L’affluence des participants la déplace en 1902 au 14 rue de la Grande-Chaumière dont elle prend le nom en 1904. Le maître mot est modernité, liberté, accessibilité. Coût modéré, aucune obligation d’engagement semestriel, annuel ou pluriannuel sanctionné par un certificat, examen ou diplôme. Selon ses goûts et disponibilités, il est possible de composer son programme de cours, d’autant que les ateliers sont surtout fréquentés par des étrangers d’une grande mobilité, notamment des Suisses, mais aussi des femmes ayant encore difficilement accès à ces lieux d’apprentissage artistiques fréquentés par les hommes.

De plus, Montmartre est devenu trop cher, quelques artistes descendent déjà vers la timide éclosion de ce Montparnasse encore parsemé de jardins et plantes, d’habitats peu onéreux. Peu à peu, les artistes, les marchands et leurs clients vont faire du triangle Raspail, Vavin, Montparnasse un lieu extrêmement novateur, “le centre du monde” à la croisée d’un terreau patrimonial et de graines d’un futur prometteur.

Le lieu s’adjoint l’académie du sculpteur italien Federico Colarossi, transférée depuis l’île de la Cité en 1870 au 10, rue de la Grande-Chaumière et qui reste en activité jusqu’en 1930. Il s’enrichît de l’atelier académique Charpentier fondé en 1945 au 73, rue Notre-Dame-des-Champs qui prépare aux divers concours artistiques.

C’est le peintre Eugène Grasset, artiste Art nouveau, qui crée la charte graphique de la Grande Chaumière, la portant avec la mention d’académie, sur les fonds baptismaux. Les parrains-professeurs en sont Blanche, Bourdelle, Denis, Despiau, Léger, Lothe, Sickert, Zadkine… et parmi les artistes, Bourgeois, Calder, Lempicka, Modigliani, Poliakoff, Rebeyrolle, Lucien Simon qui encourage Martha Stettler à utiliser la lumière naturelle à la manière des impressionnistes.