Communiqué de presse du 30 mai 2025

Audience référé le 3 juin 2025

Le référé suspension des associations de défense du patrimoine et de l’environnement SOS Paris et Sites & Monuments sera jugé le 3 juin 2025 à 15h30 au Tribunal Administratif de Paris. Il vise à stopper, en urgence le chantier du mastodonte que l’Institut Curie, est en train de déployer sur son site parisien de la rue d’Ulm (5e arr.). L’institut est prêt à bétonner et dénaturer définitivement et sans l’ombre d’un remord, pour quelques mètres carrés de nouvelles paillasses obsolètes et insuffisantes à peine construites, l’historique laboratoire de Marie Curie qui se trouve en covisibilité avec le Panthéon.

Dans le pays des Lumières, comment comprendre que ni l’Élysée, ni le ministère de la Culture, n’aient pris, depuis la panthéonisation de Pierre et Marie Curie, les plus élémentaires mesures de protection de ce site, là même où la famille Joliot-Curie a pu concevoir et développer la matière de cinq prix Nobel, fait unique au monde. Que leur faut-il de plus ?

Rappelons que le but de cette action en justice n’est pas d’entraver les travaux de chercheurs, qui, s’ils veulent s’appuyer sur le nom de Marie Curie, ne devraient pas avoir à cœur d’en abîmer les fondements ou la mémoire.

Pourquoi l’Institut Curie s’acharne-t-il à surdensifier ce site ? Nous n’avons obtenu aucune réponse satisfaisante :

1. Il y a de la place au Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC), à Villejuif, qui se trouve à quelques minutes en métro avec la ligne 14 (nouvelle station). 40 hectares, 100 000 mètres carrés de bureaux : https://x.com/bgianeselli/status/1887406534012932555?s=46

2. Au PSCC, il y a toutes les infrastructures nécessaires : laboratoires, bureaux, chambres pour les patients puisqu’il y a même un hôpital. L’Institut Gustave Roussy, à la pointe de la recherche contre le cancer, y est déjà présent. 

3. Ce projet est peut-être pertinent par sa taille mais l’Institut Curie va inexorablement continuer de grandir et devra de toute façon trouver à l’avenir de la place autre part que sur cette parcelle historique

4. L’Institut Curie a commencé à s’étendre en dehors de Paris sous l’impulsion d’Irène Joliot-Curie (qui était consciente qu’on ne pouvait pas tout faire sur place) dans les années 40 ! L’Institut Curie existe déjà ailleurs : à Orsay et à Saint-Cloud (avec un hôpital tout neuf). 

5. Pour se développer, l’École polytechnique, qui se situait à côté de l’Institut Curie, n’a pas rasé ses bâtiments historiques. Elle s’est déplacée sur le plateau de Saclay où l’État investit massivement pour créer un centre de formations et de R&D de niveau mondial en Île-de-France : le PSCC !

6. Le MIT ne s’est pas construit sur le site historique de Harvard, mais autour, il est situé en dehors ! Idem en Californie avec Berkeley, l’UCSF, l’UCLA et la Silicon Valley ! Avec le Paris Saclay Cancer Cluster, situé à quelques kilomètres de l’Institut Curie, la France veut s’inspirer de ces modèles ! 

7. Pour grandir, la recherche transdisciplinaire et translationnelle ne peut pas se refermer sur quelques milliers de mètres carrés !  L’Institut Curie doit en prendre conscience et doit aussi respecter notre patrimoine culturel ! 

8. L’Institut Pasteur, dont les bâtiments historiques sont classés MH depuis 1981, n’a pas été empêché par ces protections pour continuer à se développer. Il est présent ailleurs dans le monde, et cette organisation fonctionne très bien. 

9. L’argument avancé par Raphaël Rodriguez, le chercheur vedette de l’Institut Curie, pour justifier la construction de ce bâtiment (n’est-ce pas SON bâtiment, en réalité, puisqu’il dirige l’équipe qui y travaillera ?) à cet emplacement précis et pas ailleurs : « La proximité du centre avec l’Institut Curie, où il y a un hôpital et un institut de recherche fondamentale, est essentielle à son succès. » Dans un communiqué de presse, l’Institut Curie avance le même argument et ajoute l’importance de la présence de plate-formes multidisciplinaires sur le même site. 

Raphaël Rodriguez insiste aussi sur l’importance des échanges, des discussions scientifiques entre les chercheurs et les cliniciens.

Tout cela s’entend très bien, d’ailleurs ce système de fonctionnement n’est pas propre à l’Institut Curie. Sauf que cela ne nécessite pas des bâtiments à 100 mètres les uns des autres. Cela se fait dans le cadre d’un campus ou d’une zone qui peut être bien plus large.

Reprenons l’exemple de l’Institut Pasteur à Paris. Il n’y a plus d’hôpital à l’Institut Pasteur depuis des années. Pourtant, les Pasteuriens continuent à travailler avec des chercheurs/cliniciens de nombreux hôpitaux parisiens et français et dans le monde, notamment via le réseau des Instituts Pasteur !

Les chercheurs peuvent travailler avec des plate-formes technologiques qui ne sont pas à côté. Ce qui importe c’est de se parler et d’échanger… et aujourd’hui cela peut parfaitement se faire avec des moyens (visioconférence) ou une proximité non immédiate.

Revenons au modèle du cluster basé à Villejuif avec le PSCC : 

À Boston, il y a un endroit où les professionnels viennent échanger des idées, prendre un café, parler entre chercheurs, cliniciens, fondateurs de startups, investisseurs, industriels des biopharmas, entrepreneurs… c’est le Kendall SquarePourtant les labos, les plate-formes, les hôpitaux et les patients ne se trouvent pas là mais sur les sites dispersés dans la zone géographique de Boston

Kendall Square dépasse d’ailleurs la transversalité de la bio médecine puisque il y a là bas Google, Microsoft et de grandes sociétés d’électronique ou d’énergie. C’est aussi le cas sur le plateau de Saclay (PSCC).

Les américains voient grand et vraiment très transversal. Et leurs projets ne se font pas sur un petit campus, mais à l’échelle d’une grande zone : un cluster, comme l’est en réalité et sans qu’elle n’en prenne réellement conscience la région Île-de-France

C’est d’ailleurs le schéma que retient l’État avec la volonté de créer des bioclusters et y adjoindre des investissements importants.

Le premier se situe en région parisienne, c’est le Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC), il porte justement sur le Cancer et il se situe à quelques kilomètres au sud du Pavillon des Sources : Plusieurs prix Nobel, 80 chercheurs… Paris-Saclay va accueillir son premier sommet scientifique international (article du Parisien).

Pourquoi l’Institut Curie ne fait-il pas construire son bâtiment à cet endroit ? Les plate-formes, chercheurs, hôpitaux et industriels ne seront pas loin. 

Les arguments avancés par l’institut Curie s’entendent mais ils s’entendront encore mieux si ce projet sur le cancer se fait là bas.

Où est la cohérence de l’État, celle du président Emmanuel Macron, qui veut créer un grand biocluster sur le cancer à côté de Paris et qui soutient ce projet de bâtiment de recherche sur le cancer ailleurs ? Déplacement sur les sites de l’Institut Gustave Roussy et du Paris-Saclay Cancer Cluster à Villejuif (comunication de l’Élysée)

Pour toutes ces raisons, il est urgent que l’Institut Curie déploie ces nouveaux laboratoires ailleurs que sur la parcelle historique du laboratoire de Marie Curie et y développe et pérennise son illustre modèle et sa mémoire.

Christine Nédélec
Présidente de SOS Paris

Notre communication précédente sur cette affaire : Protéger ou bétonner le laboratoire historique de Marie Curie ?